Avis sur le réaménagement de la Route de Toulouse

Le texte ci-dessous a été publié dans le cadre de la concertation sur le réaménagement de la Route de Toulouse, sur la plateforme collaborative de Bordeaux Métropole [ici].


Nous, les élus écologistes du Conseil départemental de la Gironde, souhaitons contribuer au débat public sur le réaménagement de la Route de Toulouse. Maud Dumont et Bruno Béziade en tant que conseillers départementaux du canton de Talence et Ève Demange, conseillère départementale du canton de Bordeaux 5 sont les élu·e·s les plus concernés de notre groupe politique. Si le projet de réaménagement nous satisfait de manière globale, nous émettons cependant plusieurs réserves.

Le 6e rapport du GIEC est sans appel : nous ne pouvons plus attendre pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre. Dans la métropole bordelaise, la pollution atmosphérique cause 600 morts par an. Si la voiture représente aujourd’hui 50% des trajets dans Bordeaux Métropole, ce chiffre devra être 33% à l’horizon 2030.

Or, aujourd’hui la Route de Toulouse est dédiée à la voiture individuelle et dispose de peu d’aménagements susceptibles d’accueillir des mobilités douces dans de bonnes conditions. Cette situation digne de l’époque du « tout-voiture » met en danger la vie des cyclistes, obligés de partager la chaussée avec les voitures et camions. La circulation est fréquemment à l’arrêt, ce qui fait que les trois lignes de bus qui utilisent cette voie – les 5, 20 et 43 – subissent de nombreux retards et aléas, rendant le report modal peu attractif. Finalement, le trafic actuel de la Route de Toulouse engendre une importante pollution atmosphérique et sonore.

Il nous paraît donc urgent que la Route de Toulouse soit réaménagée afin de favoriser les mobilités douces pour réduire les émissions de dioxyde de carbone et pour apaiser cet axe de circulation. 

La Route de Toulouse doit rejoindre le Réseau Express Vélo (REVE, anciennement RCHNS, Réseau cycliste à haut niveau de service). Elle doit offrir une voie de circulation pour vélos en site réservé avec la possibilité pour les cyclistes de se doubler entre eux ; à ce titre une largeur de piste de 2m20 nous paraît indispensable. Cette piste doit être sécurisée pour que tous – enfants compris – puissent l’utiliser.

Cet espace doit offrir aux habitants de ses quartiers des espaces piétons conséquents et accessibles aux personnes à mobilité réduite ou aux poussettes. Il ne doit plus être réservé au seul transit mais doit devenir un véritable lieu de rencontre. Les trottoirs devront être assez grands pour que deux fauteuils roulants puissent se croiser, et des zones plus larges devront être prévus à des intervalles réguliers pour que les commerçants locaux puissent jouir de terrasses ouvertes sur l’extérieur.

Au-delà du vélo, le réaménagement doit favoriser le trafic en transports en commun, et notamment la liane 5. En ce sens, des couloirs de bus en site réservé, distincts des pistes cyclables, doivent être prévus partout où c’est possible. Les arrêts de bus devront impérativement être accessibles aux personnes à mobilité réduite.

Pour les trajets en voiture individuelle, la route de Toulouse représente un axe pénétrant majeur dans la métropole bordelaise. Or, étant donné les objectifs du schéma des mobilités de la Métropole, et l’ensemble des besoins des autres usagers de la voie, une réduction importante de la portion de la voie dédiée aux automobiles est nécessaire.

Afin d’accompagner la suppression de places de parking qui en découle, des espaces hybrides (lieux de vie/places de parking) pourront être aménagés le long de la route, grâce aux droits de préemption de la Métropole. Ces espaces apaisés devront être situés prioritairement à proximité des commerces existants afin que ces derniers puissent jouir de terrasse et devenir des lieux de vie pour leurs quartiers (comme la Place Vinet à Bordeaux).

Pour la circulation proprement dite, l’hypothèse d’une mise en sens unique nous semble intéressante et jusqu’alors peu évoquée ; un tel aménagement pourrait être couplé à un report de trafic soit sur la rue Bourgès à Talence, soit sur l’axe Labro-Buisson-Hugo à Bègles.

Afin de garantir les principes d’aménagement ci-dessus, nous recommandons :

  • Trame 1 : d’allonger les couloirs de bus et prévoir une traversée cycliste aménagée du Passage Labro.
  • Trame 2 : d’allonger les couloirs de bus pour qu’ils traversent la totalité de la trame et de prévoir une traversée cycliste aménagée du Chemin Chatry.
  • Trame 3 : de réduire le nombre de places de parking afin d’allonger les couloirs de bus.
  • Trame 4 : de prévoir une traversée cycliste aménagée du Chemin des Orphelins et de la Rue Albert Thomas.
  • Trame 5 : de supprimer les places de parking afin que 1) l’arrêt de bus « Hôpital Robert Piqué » puisse être déplacé plus au sud et 2) ainsi créer une terrasse pour les commerçants à l’angle de la rue Salvador Allende.
  • Trame 6 : d’allonger les couloirs de bus en supprimant les places de parking et de prévoir une traversée cycliste aménagée de l’Avenue Farvarque et du Chemin de Leysotte.
  • Trame 7 : de prévoir une traversée cycliste aménagée du rond-point de la Rue Frédéric Sévène et de garantir une piste cyclable continue vers le nord, en supprimant les places de parking en face de l’hôpital Bagatelle si nécessaire.
  • Trame 8 : d’adopter la solution 5 « Réseau Cyclable à Haut Niveau de Service ».
  • Trame 9 : d’adopter la solution 3 « Réseau Cyclable à Haut Niveau de Service », avec deux voies de circulation et un couloir de bus à l’approche des boulevards.

Ces recommandations s’inspirent d’autres exemples réussis d’aménagement urbains dans l’agglomération bordelaise, dont notamment le Cours du Maréchal Juin, l’Avenue Thiers (direction est), l’Avenue de la Mission Haut-Brion, et le récemment réaménagé Quai des Queyries. Pour le premier il peut être signalé que le trafic compte un vélo pour trois voitures.

Le Cours du Maréchal Juin, avec une large piste cyclable, voit passer un vélo pour trois voitures.

Le projet propose également la création d’une voie de circulation automobile nouvelle, le « barreau des Deux Esteys ». Cette voie traversera le parc de Mussonville, détruisant une zone humide clé pour l’écosystème local en l’artificialisant. Elle longera le lycée Vaclav Havel, exposant toutes les personnes qui y travaillent ou y étudient à davantage de pollution atmosphérique et sonore. Elle créera un « appel d’air » qui saturera les rues de l’écoquartier Bel-Air et ne baissera pas le trafic de la Route de Toulouse.

Le barreau des Deux Esteys est en totale contradiction avec ce projet de réaménagement. Il favorisera la voiture individuelle au détriment du vélo et du bus, il augmentera nos émissions de gaz à effet de serre et il réduira la biodiversité dans notre métropole. Nous nous y opposons fermement.

En conclusion, nous les élus écologistes du Conseil départemental de la Gironde sommes résolument pour le réaménagement de la Route de Toulouse. Il permettra de revitaliser cet axe aujourd’hui source de pollution et de nuisances. Mais afin que ce projet soit réussi, ses ambitieux objectifs de promotion du vélo et des transports en commun ne devront pas être sacrifiés pour la voiture individuelle et l’autosolisme. Plusieurs changements du projet sont nécessaires, et garantiront la réussite de cette opportunité urbaine inédite.